Roman sur les femmes qui ont marqué l'histoire
Les silences de Rochecombe
3. Émilienne, se promettre la liberté et la conquérir

Début du chapitre 2

« Animés par leur bonheur, encore fébrile et inconscient à leur âge, les deux enfants se donnaient la main et faisaient les cent pas sur le devant de la maison.

Par une magnifique journée de l’été 1897 où le ciel resplendissait d’un bleu limpide, la maman de Louis était occupée à frotter son linge. Elle quitta des yeux le baquet devant lequel elle était installée au milieu de la cour. Elle s’essuya le front du revers de sa manche et se mit à regarder les deux enfants, heureuse de voir son fils grandir en pleine santé, et jouer avec la petite voisine dont elle s’occupait souvent, vu les circonstances.

La fillette semblait contente. Encore en bas âge, elle ne pouvait évaluer ce qui l’amenait ici, régulièrement, depuis la propriété voisine.

À quatre ans, les jeux passent avant tout le reste et, fort heureusement, la conscience des dangers et des difficultés de la vie n’est pas encore suffisamment aiguisée pour insuffler de la tristesse dans les cœurs. Là étaient les pensées de Madame Travet, alors qu’elle se plaisait à attarder son regard tendre sur Émilienne dont elle avait, cet après-midi encore, la responsabilité.

Car le papa de la petite était parti, empruntant le chemin vicinal avec ses deux journaliers, couper du bois dans une de ses propriétés forestières. De vallons en collines, la campagne s’étendait à perte de vue, les halliers et les houppiers surgissaient des talus et des coteaux. Au loin, à l’horizon, la nature fuyait bien au-delà des paysages. Les Travet vivaient là, au cœur de ces lieux sauvages, dans ce coin à la limite nord de l’Aubrac, tout près de la maison de la famille Vastier. Enfin, ce qu’il en restait.

Les parents de Constant Vastier, déjà âgés, étaient morts en 1890, l’un derrière l’autre, alors que leur fils était fiancé. Ce dernier s’était marié en 1892 et, par un terrible coup du sort, la maman de la petite fille avait succombé un an plus tard, en la mettant au monde. Le jeune papa frappé de veuvage avait donc bien des raisons d’être parfois complètement déboussolé.

Eux, les voisins, parents de Louis, apportaient leur soutien moral et leur aide comme ils le pouvaient.

Aujourd’hui, où toute la splendeur des lieux se faisait insolente dans la lumière vive de l’été, Émilienne qui, en général, dirigeait les jeux, avait pris Louis par la main. Toute jeunette qu’elle soit, elle marchait devant, droite comme un I, le tirant derrière elle.

Madame Travet souriait sous cape, en observant la manière dont la fillette prenait le pas sur le garçon, affirmant sa fermeté bienveillante et sa joie de vivre.

Une vraie petite femme ! Qui affichait déjà un caractère bien trempé et ne se laisserait sans doute jamais marcher sur les pieds. Qui irait, assurément, au bout de ses désirs.

Comme prête à conquérir le monde !

— Allez, Louis, plus vite !

Après avoir adressé un sourire à sa mère, tout en allongeant le pas, l’enfant continua le jeu avec sa petite compagne : traverser de plus en plus vite tout l’espace devant la maison, d’un angle de mur à l’autre.

— En courant, maintenant ! »

Elle ignorait, alors, qu’elle deviendrait un jour une des femmes qui ont marqueraient l’histoire.

Les marraines de guerre ont offert aux soldats un lien avec la vie civile, loin du front. À travers leurs lettres, elles ont réchauffé des cœurs désespérés et ont maintenu une lueur d’espoir. Et souvent même, elles ont transmis un espoir d’Amour, et ainsi donné force et courage. Elles étaient bien plus que des correspondantes : elles étaient des sources d’encouragement, agissant comme des confidentes pour des hommes plongés dans l’horreur de la guerre. Ce rôle, souvent discret, a pourtant eu un impact considérable sur le moral des troupes, prouvant que même de loin, ces femmes qui ont marqué l’histoire ont su changer le cœur des hommes (cœur dans les 2 sens du terme : émotion, courage)